La Barbade, petite île des Caraïbes vulnérable aux effets du changement climatique, cherche aujourd’hui à jouer un rôle plus influent sur la scène internationale. Face aux défis imposés par la dette, la transition écologique et les catastrophes naturelles, le pays plaide pour une refonte de l’architecture financière mondiale. Son ambition : que le Fonds monétaire international (FMI) et les institutions de développement réorientent leur approche vers la résilience climatique et la justice économique.
Une initiative structurante : l’Initiative Bridgetown
L’initiative Bridgetown, lancée par la Première ministre Mia Mottley, est au cœur de cette stratégie. Elle propose plusieurs réformes — notamment l’augmentation des liquidités via les droits de tirage spéciaux (DTS), une expansion des prêts des banques multilatérales de développement et l’invention de nouveaux mécanismes financiers pour soutenir la transition verte dans les pays les plus vulnérables.
Un point crucial de cette initiative est l’intégration de clauses de suspension automatique des remboursements de dette en cas de catastrophes climatiques, afin de protéger les États trop exposés.
Le FMI, le fonds de résilience et la Barbade
La Barbade est devenue le premier pays à bénéficier du nouveau fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (Resilience and Sustainability Facility, RSF) mis en place par le FMI.
Cet instrument vise à aider les nations à financer les mesures d’adaptation et d’atténuation écologique tout en renforçant leur stabilité macroéconomique. Dans ce cadre, la Barbade a déjà reçu des prêts assortis de conditions favorables pour mener à bien ses réformes structurelles.
Par exemple, dans le cadre de son programme « Barbados Economic Recovery and Transformation (BERT 2022) », l’île a maintenu une politique macroéconomique stable, tout en intégrant dans ses réformes la gestion des risques climatiques dans les finances publiques.
Nouveaux instruments, partenariats et banques “vertes”
Pour soutenir ses ambitions, la Barbade collabore avec d’autres institutions multilatérales : la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque de développement d’Amérique latine et des Caraïbes (CAF), la Banque européenne d’investissement (BEI), le Fonds vert pour le climat (FVC) et la Société financière internationale (IFC).
L’île a notamment initié une Blue Green Bank, dotée d’un capital initial public modeste mais conçue pour attirer des capitaux additionnels via l’effet de levier. Cette banque financera des projets en énergies renouvelables, infrastructures résilientes, toitures résistantes aux ouragans, etc.
Cette coopération multilatérale vise non seulement à fournir des prêts, mais aussi des garanties ou des instruments non liés à la dette pour réduire les risques pour les pays les plus vulnérables.
Résultats macroéconomiques & caution politique
Les réformes engagées sous l’accord avec le FMI ont été jugées conformes aux critères attendus. En juin 2025, le Conseil d’administration du FMI a conclu la cinquième revue des arrangements avec la Barbade, permettant un décaissement supplémentaire de fonds.
Le programme BERT a été salué pour son maintien de la stabilité macroéconomique, des excédents fiscaux, la réduction de la dette publique (inférieure à 105 % du PIB) et l’intégration des risques climatiques dans la gestion financière.
Enjeux et limites à surveiller
- Débat sur le rôle du privé : les propositions de Bridgetown incluent un fort rôle du secteur privé, ce qui suscite des critiques quant au risque de transfert des obligations publiques vers des logiques de rentabilité.
- Acceptabilité institutionnelle : certaines propositions plus ambitieuses de Bridgetown — comme une vaste émission de DTS ou l’annulation de dette — ont été modérées dans les versions ultérieures pour gagner l’adhésion des institutions existantes.
- Vulnérabilité structurelle : malgré les progrès, la Barbade reste exposée aux chocs extérieurs, aux catastrophes naturelles et aux fluctuations des marchés mondiaux — un environnement où toute faiblesse de croissance peut être lourde de conséquences.
